“Malgré l’adversité, la CFDT continuera de pousser ses propositions” abonné

La loi Avenir professionnel vient d’être promulguée, et déjà se profilent de nouvelles réformes. En cette rentrée sociale chargée, le secrétaire général de la CFDT réaffirme le rôle central des partenaires sociaux et les positions de la CFDT.

Par Nicolas Ballot— Publié le 19/09/2018 à 12h44

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Quel bilan tires-tu du congrès de Rennes trois mois après ?

C’est avant tout lien vers le contenu : Congrès 2018. Nous avons débattu et validé notre activité des quatre dernières années. Mais, plus important encore, la CFDT s’est positionnée sur les enjeux de demain. L’été a d’ailleurs démontré que nous avons eu raison de prendre des positions fortes sur des sujets comme la transition écologique ou les nouveaux modes de développement. Le contexte économique et le contexte social tendu qui rendent la situation de bien des travailleurs difficile confirment aussi la nécessité de continuer à travailler sur les solidarités.

Dans une telle situation, on peut se féliciter d’être une organisation cohérente dans la définition de nos objectifs revendicatifs comme de nos ambitions internes. Nous nous sommes d’ailleurs déjà mis au travail sur deux chantiers majeurs : renforcer l’accompagnement des militants – en premier lieu lors de la mise en place des CSE (comités sociaux et économiques) – et la syndicalisation pour augmenter notre nombre d’adhérents de 10 % sur la durée de la mandature.

La rentrée sociale se déroule dans un climat tendu avec, d’un côté, un gouvernement qui ne semble pas volontaire en matière de dialogue social et, de l’autre, des partenaires sociaux plus divisés que jamais…

Lorsque nous avons été reçus par le Premier ministre au début septembre, j’ai été extrêmement clair : si le gouvernement poursuit dans sa volonté de faire seul, avec comme seule grille de lecture l’équilibre budgétaire, il ira dans le mur. Le président de la République a dit en juillet qu’il voulait faire évoluer sa méthode et travailler plus avec les partenaires sociaux… Mais les rencontres de la fin de l’été nous confirment que, malheureusement, l’objectif budgétaire reste surdéterminant, ce qui pose un réel problème. Face à un tel interlocuteur, qui ne croit pas vraiment en l’utilité des partenaires sociaux, la CFDT se retrouve en permanence dans l’obligation de faire la preuve de la pertinence et de la qualité de ses propositions mais également de valoriser les avancées qu’elle obtient.

La tentation pourrait consister à tomber dans une opposition pure et simple, voire politique, comme le font certaines organisations syndicales, ce qui serait parfois plus facile, mais conduirait à une impasse pour les travailleurs. C’est pourquoi, quelle que soit l’adversité, la CFDT continuera de pousser ses propositions.

Du côté du patronat, j’entends bien les appels à la responsabilité des patrons sur un certain nombre de sujets de la part du nouveau président du Medef, mais la logique sous-jacente reste tout de même très libérale avec cette sempiternelle demande : toujours moins de contraintes pour les entreprises. L’exemple de l’apprentissage, sujet sur lequel le patronat a désormais toutes les manettes, démontre les carences de cette logique avec des résultats pour le moins faibles.

"Trop d’organisations semblent incapables de sortir d’un jeu d’acteurs pour réellement parler du fond des sujets"


Existe-t-il tout de même une voie de passage pour les partenaires sociaux ?

Il faut l’espérer pour les travailleurs ! Nous avons proposé aux autres organisations syndicales et au patronat de définir un agenda social autonome des partenaires sociaux. La CFDT leur a fait des propositions autour, par exemple, de la lutte contre les discriminations ou de la qualité de vie au travail. Les premières réponses sont assez timides. Trop d’organisations semblent incapables de sortir d’un jeu d’acteurs pour réellement parler du fond des sujets. C’est d’autant plus dommage et dommageable que la société est en train de vivre des mutations majeures.

Il y a quelques jours, la ministre du Travail s’est félicitée des premiers effets des lien vers le contenu : Les ordonnances travail. Partages-tu son analyse ?

Il est évident qu’on ne fait pas le même bilan que Muriel Pénicaud, qui se contente de faire de la communication ! L’exemple de la baisse des recours aux prud’hommes dont se félicite le gouvernement montre bien qu’ils sont incapables de regarder les choses à hauteur d’homme. Il faut qu’ils sortent de leur approche macroéconomique en toutes circonstances. Si on s’intéresse aux salariés, cette baisse montre qu’ils sont probablement de plus en plus nombreux à renoncer à faire reconnaître leurs droits. Il est hors de question de s’en féliciter ! Sur la mise en place des CSE, cela n’a aucun sens de se gargariser du nombre d’accords signés. Il faut s’intéresser à leur contenu ! Et ce que les militants font remonter, c’est que, très souvent, les patrons se contentent de faire le service minimum, voire pire. Donc, de notre point de vue, le bilan n’est clairement pas positif, et l’accompagnement des équipes CFDT lors des négociations des CSE est l’un des grands objectifs de cette rentrée.

"La CFDT n’ira pas dans une négociation dont la seule logique serait la réduction de la dette sur fond de culpabilisation des chômeurs"


L’exécutif souhaite que les partenaires sociaux rouvrent, une nouvelle fois, lien vers le contenu : L'assurance-chômage. Que peut-on attendre d’une éventuelle négociation ?

LB2 ABLa situation est compliquée parce que le gouvernement est dans une logique purement budgétaire avec comme unique objectif de faire des économies, sans s’intéresser aux demandeurs d’emploi. La voie de passage est donc extrêmement étroite. La CFDT se mobilise autour de deux axes : garantir aux demandeurs d’emploi une indemnisation correcte et offrir un accompagnement renforcé vers le retour à l’emploi. La CFDT n’ira donc pas dans une négociation dont la seule logique serait la réduction de la dette sur fond de culpabilisation des chômeurs.

Que penser de la stratégie pauvreté présentée le 13 septembre par le président de la République ? Va-t-elle dans le bon sens ?

La CFDT s’est beaucoup investie avec les associations, comme ATD Quart Monde, la Fondation Abbé Pierre ou le Secours catholique pour peser sur cette stratégie avec une conviction : la lutte contre la pauvreté implique d’avoir une vision globale des parcours de vie. Il faut donc se féliciter des annonces, notamment en ce qui concerne la petite enfance, l’augmentation du nombre de garanties jeunes, l’obligation de formation jusqu’à 18 ans ou encore l’aide à la complémentaire santé. Derrière ces annonces positives, ce qui est capital, c’est que le système s’adapte pour prendre en compte les personnes en situation de pauvreté et de précarité et les aider à s’en sortir. Il faut désormais veiller à ce que les moyens nécessaires et promis soient bien mis en œuvre. La CFDT souhaite donc qu’il y ait un vrai suivi de ces mesures, en étroite collaboration avec les personnes en situation de pauvreté, les associations investies dans la lutte contre la pauvreté et tous les acteurs sociaux et économiques.

Tu dis depuis longtemps que l’hôpital public est sur le point de craquer. Le plan santé était présenté le 18 septembre. Qu’en attends-tu ?

Il ne faut pas que la question de la santé publique repose uniquement sur les épaules de l’hôpital…

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